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Maîtrise d'informatique - Module 18
Traitement du signal - Cours



Chapitre 2 :

  • 1. Rappels mathématiques.
  • 2. Définition de la transformation de Fourier.
  • 3. Quelques exemples de calcul de transformées de Fourier.
  • 4. Conclusion.

  • Dans ce chapitre, nous allons donner la définition mathématique de la transformation de Fourier, en faisant un parallèle avec la dérivation. Nous donnerons ensuite quelques exemples de calcul de transformées de Fourier, et verrons la difficulté de mener de tels calculs. Cela nous amenera à chercher un moyen pour calculer une transformée de Fourier quelconque, chose qui sera faite au chapitre 3.

    1. Rappels mathématiques.

    Commençons par rappeler la définition de la dérivation, ainsi que la nomenclature qui lui est associée.

    1.1. La dérivation.

    La dérivation est une application image 1 qui associe à une fonction réelle f(t) d'une variable réelle, une fonction réelle d'une variable réelle, notée f'(t), appelée "dérivée de f(t)", et définie par :

    image 2

    lorsque cette limite existe, pour un réel t quelconque. L'ensemble des fonctions f(t) admettant une dérivée étant stable par combinaisons linéaires (facile à prouver), est un espace vectoriel. C'est l'espace vectoriel des fonctions dérivables. image 1 est une application linéaire non bijective sur cet espace vectoriel.

    1.2. Nomenclature.

    image 1  :  image 3

    Nous allons voir qu'il existe une grande similitude entre la dérivation et la transformation de Fourier.

    2. Définition de la transformation de Fourier.

    2.1. La transformation de Fourier unidimensionnelle.

    La transformation de Fourier (unidimensionnelle) est une application image 4 qui associe à une fonction complexe f(t) d'une variable réelle, une fonction complexe d'une variable réelle, notée image 5, appelée "transformée de Fourier de f(t)", et définie par :

    image 6                (2.1)

    lorsque cette intégrale est définie, quel que soit le réel w. L'ensemble des fonctions f(t) admettant une transformée de Fourier, étant stable par combinaisons linéaires (facile à prouver), est un espace vectoriel. L'application image 4 est une application linéaire bijective sur cet ensemble, qui n'est autre que l'espace vectoriel T défini au chapitre 1. On dit aussi que image 4 est un automorphisme de T.

    2.1.a. Nomenclature.

    image 4 :   image 7

    Remarques :

    image 8

    2.1.b. Interprétation de la transformation de Fourier.

    2.1.c. La transformation de Fourier inverse.

    On vient de voir que, si f(t) est dans T, alors image 5 est définie et égale, à un facteur près, à x(w), ce que l'on peut résumer par :

    image 4 :   image 24

    D'après l'étude précédente, image 4 est une bijection entre T et T' = image 4(T), donc on peut définir son inverse image 4-1 :

    image 4-1 :  image 26

    Ceci suffit à prouver que image 4 est un isomorphisme de T dans T'. Nous allons maintenant montrer que T et T' sont égaux, ce qui permettra de conclure que image 4 est un automorphisme de T.

    2.1.d. T et T' sont égaux.

    Comme les espaces vectoriels T et T' sont isomorphes, on sait qu'ils ont même dimension. Pour prouver qu'ils sont égaux, il suffit donc de prouver, par exemple, que T' est inclus dans T. Soit image 5 une fonction de T'. Par définition de T', il existe une fonction f(t) telle que :

    image 24

    D'après (2.4) :

    image 25

    En remplaçant t par -t dans cette égalité, il vient :

    image 30

    Ceci suffit à prouver que image 5 admet une transformée de Fourier, donc que T'est inclus dans T. On peut réécrire cette dernière égalité :

    image 31                (2.5)

    L'égalité (2.5) constitue une propriété fondamentale de la transformation de Fourier : si on a déjà calculé la transformée de Fourier de f(t), soit image 5, alors il est inutile de calculer la transformée de Fourier de image 5, puisque cette transformée est donnée par (2.5). Nous verrons des exemples d'utilisation de cette propriété dans le paragraphe 3.

    2.2.La famille de Fourier est-elle dans T ?

    La construction de l'espace vectoriel T par rapport à l'espace vectoriel F est similaire à la construction de l'espace vectoriel A par rapport à l'espace vectoriel P, sauf que la somme infinie a été remplacée par une intégrale. Cette différence, en apparence bénigne, a une conséquence importante, qui peut s'énoncer ainsi : alors que les polynômes sont des cas particuliers de fonctions analytiques, les fonctions de F ne sont pas contenues dans T, à l'exception bien sûr de la fonction nulle.

    2.2.a. Aucune fonction de F, autre que la fonction nulle, n'admet de transformée de Fourier.

    Soit par exemple la fonction f(t) suivante, qui est bien contenue dans F :

    image 32

    avec  image 32 bis . Supposons que f(t) soit également contenue dans T. Il existe alors une fonction x(w) telle que :

      image 32 ter              (2.6)

    En dérivant (2.6) par rapport à t (et en admettant que l'on peut "dériver sous l'intégrale"), il vient :

    image 33               (2.7)

    Par ailleurs, en multipliant (2.6) par jw1, on obtient :

    image 34              (2.8)

    En retranchant (2.8) à (2.7), on trouve :

    image 35                (2.6 bis)

    Dérivons à nouveau cette égalité par rapport à t :

    image 36                (2.7 bis)

    En multipliant (2.6 bis) par jw2, on obtient par ailleurs :

    image 37                (2.8 bis)

    En retranchant (2.8 bis) à (2.7 bis), on trouve :

    image 38

    Comme on sait que image 4 est une bijection, cette dernière égalité se ramène à :

    image 39

    ce qui signifie que x(w) est forcément nulle partout ailleurs que pour w = w1 ou w = w2. D'après (2.6), cela suffit à prouver que f(t) est la fonction nulle.

    La démonstration que nous venons de faire peut être aisément généralisée à une combinaison linéaire quelconque de fonctions de la famille de Fourier, et l'on peut conclure que, parmi les fonctions de F, seule la fonction nulle est également contenue dans T.

    2.2.b. Nécessité d'introduire les "impulsions de Dirac".

    Il est gênant qu'aucune fonction de la famille de Fourier ne soit contenue dans T. On appelle impulsion de Dirac pour w = w0, et on note image 40, la pseudo-fonction (on dit aussi distribution) telle que :

    image 41                (2.9)

    D'après l'étude précédente, il est clair que, pour toute valeur de w différente de w0 :

    image 42                (2.10)

    Par ailleurs, en réécrivant (2.9) pour t = 0, on obtient :

    image 43                (2.11)

    Cela signifie donc que image 40 est nulle partout, sauf pour w = w0 où elle est infinie. On peut approximer image 40, qui n'est pas une fonction, par une fonction du type suivant (sur cet exemple, w0 = 2,3) :

    image 44

    Une telle fonction est appelée un pic (ou une impulsion) pour w = w0.

    Remarques importantes :

    Nous reviendrons sur ces deux remarques dans le chapitre 3.

    2.3. La transformation de Fourier bidimensionnelle.

    C'est une application image 4 qui, à une fonction f(x,y) de deux variables réelles, associe une fonction image 49 de deux variables réelles, définie par :

    image 50

    Nomenclature :

    Remarque :

    3. Quelques exemples de calcul de transformées de Fourier.

    Dans ce paragraphe, nous allons étudier quelques fonctions, pour lesquelles le calcul de la transformée de Fourier peut être mené "à la main". Il ne faudra pas que le lecteur en conclue que toute transformée de Fourier pourrait être calculée de la sorte !

    Pour chacune des fonctions qui suivent, avant de calculer sa transformée de Fourier, nous commencerons par donner son expression analytique, ainsi que son graphe. Ensuite, nous prouverons qu'elle est bien dans l'espace vectoriel T. Pour cela, nous nous contenterons en général de montrer que la fonction étudiée est bien contenue dans L1. En effet, pour toute fonction x(w) contenue dans L1, nous avons déjà vu que la fonction suivante :

    image 51_bis

    est définie et appartient à T. Nous voyons que :

    image 51_ter

    Comme image 5 est dans T, il s'ensuit que x(w) est également dans T. Le fait, pour une fonction x(w), d'être dans L1, est donc une condition suffisante pour être dans T (mais pas nécessaire, comme nous le verrons plus loin).

    3.1. Fonction "fenêtre".

    3.1.a. Définition et graphe.

    La fonction "fenêtre" fF(t) est définie par l'expression analytique suivante :

    image 51

    Son graphe a l'allure suivante :

    image 52

    L'intégrale de fF(t) sur R valant 1, il est clair que cette fonction est absolument sommable, c'est-à-dire qu'elle appartient à L1, donc à T.

    3.1.b. Calcul de sa transformée de Fourier.

    Pour w = 0, la valeur cherchée est l'aire calculée précédemment, qui vaut 1 :

    image 53

    Pour w non nul, posons le calcul :

    image 54

    ce qui donne :

    image 55

    On appelle fonction "sinus cardinal", et on note sinc(w), la fonction égale à cette expression pour w non nul, et valant 1 pour w = 0. On a donc :

    image 56                (2.14)

    Une conséquence de ce résultat est que la fonction "sinus cardinal" est contenue dans T, puisque c'est une transformée de Fourier. On va donc pouvoir calculer sa propre transformée de Fourier :

    3.2. Fonction "sinus cardinal".

    3.2.a. Graphe.

    On vient de donner la définition analytique de la fonction "sinus cardinal". Voici son graphe :

    image 57 bis

    On peut montrer que la fonction "sinus cardinal" n'est pas contenue dans L1, mais on n'a pas besoin de ce résultat pour prouver qu'elle admet une transformée de Fourier, dans la mesure où l'on sait déjà qu'elle est contenue dans T. Néanmoins, c'est un résultat intéressant, car il permet de montrer qu'il existe des fonctions de T qui ne sont pas dans L1, et que donc l'espace vectoriel L1 est strictement inclus dans T.

    3.2.b. Calcul de sa transformée de Fourier.

    3.3. Fonction "exponentielle décroissante".

    3.3.a. Définition et graphe.

    La fonction "exponentielle décroissante" fe(t) est définie par l'expression analytique suivante :

    image 72

    Son graphe a l'allure suivante :

    image 73

    L'intégrale de fe(t) sur R valant 2 (facile à calculer), il est clair que cette fonction est absolument sommable, c'est-à-dire qu'elle appartient à L1, donc à T.

    3.3.b. Calcul de sa transformée de Fourier.

    Le calcul de la transformée de Fourier de fe(t) se fait aisément :

    image 74

    donc :

    image 75

    soit finalement :

    image 76

    On appelle fonction "cloche", et on note fc(t), la fonction image 76 bis. Voici son graphe :

    image 77

    On a donc la relation suivante :

    image 77 bis               (2.18)

    3.3.c. Conséquence : calcul de la transformée de Fourier de la fonction "cloche".

    La fonction "cloche", étant dans T, admet également une transformée de Fourier. Par ailleurs, cette fonction est contenue dans L1 (son intégrale sur R vaut image 27, d'après (2.4) écrite pour t = 0), donc on peut utiliser l'identité (2.5) pour toute valeur de w, ce qui donne immédiatement :

    image 78                 (2.19)

    Nous allons maintenant conclure ce paragraphe en citant quelques remarques générales sur le calcul des transformées de Fourier.

    3.4. Remarques générales sur le calcul des transformées de Fourier.

    3.4.a. Une transformée de Fourier est en général une fonction à valeurs complexes.

    Nous n'avons calculé de transformées de Fourier que pour des fonctions à valeurs réelles, paires. On peut montrer que de telles transformées de Fourier sont forcément à valeurs réelles, paires. D'ailleurs, la seule "fonction" non paire que nous avons étudiée est l'impulsion de Dirac image 40, dont la transformée de Fourier est image 87, qui n'est pas une fonction à valeurs réelles. Pour une transformée de Fourier à valeurs complexes, le tracé du graphe nécessite d'une part le tracé du module, et d'autre part le tracé de la "phase" (on dit aussi de "l'argument complexe").

    3.4.b. Difficulté du calcul direct d'une transformée de Fourier.

    Sur les quelques exemples de calculs de transformées de Fourier que nous avons menés dans le paragraphe précédent, il s'est avéré que le calcul pouvait être simple, comme pour la fonction "fenêtre", mais qu'il pouvait devenir rapidement compliqué. Pour en être totalement convaincu, il suffit de tenter de calculer directement la transformée de Fourier de la fonction "cloche" :

    image 79

    Après décomposition de la fraction en "éléments simples", on obtient :

    image 80

    En faisant les changements de variables u = t-j et v = t+j, cela donne :

    image 81

    Ces intégrales sont difficiles à calculer, car ce sont des intégrations dans le plan complexe. Leur calcul nécessite la connaissance de la méthode des résidus, connaissance qui n'est certainement pas à exiger de la part d'un étudiant en maîtrise d'informatique ! Si l'on ne connaît pas cette méthode, on reste souvent bloqué dans le calcul "à la main" d'une transformée de Fourier.

    3.4.c. Combinaison de la transformation de Fourier avec des opérations entre fonctions.

    Heureusement, pour calculer une transformée de Fourier, on n'est pas toujours obligé de faire le calcul entièrement "à la main". Il existe un certain nombre d'astuces, comme par exemple l'identité (2.5) qui nous a permis de calculer la transformée de Fourier de la fonction "cloche", sans pour autant connaître la méthode des résidus. Revenons brièvement sur le parallèle qui existe entre la transformation de Fourier et la dérivation.

    Rappel sur les calculs de fonctions dérivées :

    Transformation de Fourier et opérations entre fonctions :

    image 86

    Dorénavant, nous ne calculerons plus de transformées de Fourier "à la main". Nous verrons dans le chapitre 3 une autre manière de mener de tels calculs, à l'aide de l'outil informatique.

    4. Conclusion.

    En guise de conclusion à ce paragraphe, voici un récapitulatif graphique des différents couples de transformées de Fourier que nous avons rencontrés :

    image 88

    Les impulsions de Dirac, ainsi que les fonctions de la famille de Fourier, ne sont pas contenues dans T, et la flèche qui les lie représente en fait non pas la transformation de Fourier, mais une "transformation de Fourier généralisée".

    Quant à la flèche étiquetée par un point d'interrogation ?, elle signifie que rien n'empêche, en théorie, qu'il existe un couple de fonctions de T dont aucune ne soit contenue dans L1, mais que nous ne connaissons pas de tel couple.

    Dorénavant, nous ne calculerons plus de transformées de Fourier "à la main". Nous verrons dans le chapitre 3 une autre manière de mener de tels calculs, à l'aide de l'outil informatique.


    Ces pages ont été réalisées par Jean-Denis Durou.
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